« Le bilinguisme, quel qu’il soit, c’est une richesse »

INTERVIEW AVEC YVON ETIENNE

Yvon Etienne interviewé dans l'intervalle de travail
Yvon Etienne

Yvon Etienne est une des voix bien connues de Bretagne. Animateur à France Bleu Breizh Izel (Lorient 90.4). Chanteur, il a déjà enregistré 18 albums. Très attaché à la langue bretonne, il est aussi inquiet pour son avenir.

Xiaoyun ZHANG

Chine

Vous êtes né à Paris et puis vous êtes venu en Bretagne ?

Y.E. – Oui, je suis un enfant de la diaspora bretonne. Mes parents sont bretons et ils sont venus à Paris pour le travail.

Pourquoi ce retour en Bretagne ?

Y.E. – J’ai été toujours élevé dans l’amour de la région. Dès que j’ai pu maîtriser ma vie, j’ai décidé de revenir en Bretagne

Quel est cet amour exactement ?

Y.E. – Ça va se situer dans des endroits assez insoupçonnables. Le fait de vivre avec des gens qui sont attachés aux mêmes choses que vous. Des gens qui pensent de la même façon que la vôtre. Et puis des paysages, l’ambiance, la proximité de la mer… C’est comme l’amour entre un homme et une femme ! C’est toujours difficile à expliquer !… On dit souvent parce que… !

D’après un sondage, la plupart des bretons expriment leur attachement à la langue bretonne, mais en même temps ils ne sont pas assez courageux pour l’apprendre.

Y. E. – Oui, ça fait un paradoxe. Tout le monde est d’accord pour sauver le breton, mais on laisse les autres le faire. Parce qu’apprendre une langue est difficile. En France, on part du principe que les Français ne sont pas doués pour les langues. C’est faux ! Quand on a besoin d’apprendre une langue, on le fait. C’est la nécessité qui compte. Alors, on se dit ce n’est pas nécessaire d’apprendre le breton, donc on passe à autre chose !

Comment faire pour sauver le breton, si la conscience populaire ne suffît pas à le relancer ?

Y. E. – D’abord, il faut un bilinguisme. Le bilinguisme, quel qu’il soit, c’est une richesse. On ne reviendra pas à une Bretagne où le breton est la langue principale. Le bilinguisme doit être mis dans les fêtes et dans la politique, comme aux Pays de Galles. Ça commence par la signalisation bilingue. Alors qu’il y a des gens  qui sont monolingues et qui vous diront : pourquoi mettre les choses en breton puisqu’en français c’est pareil ? Mais si on part de ce principe-là, on n’arrive jamais à inverser la tendance. Quand quelqu’un me dit que tout le monde comprend le français, oui, bien sûr, mais ce n’est pas une raison. Pour moi, ça me fait plaisir. Une fois qu’on sera arrivé au bilinguisme administratif, la tendance pourra s’inverser.

Par quels moyens concrets, on peut appliquer ce bilinguisme administratif ?

Y. E. – Il ne faut pas toujours parler de la rentabilité, ni de l’efficacité. Il faut être capable de rêver. Je pense que ça doit être aussi une tendance politique de faire rêver. Un jour un Monsieur a demandé à ma fille, elle est institutrice en breton : « les études en breton servent à quoi ?». Ma fille a répondu : « ça sert à rien ! » et elle a demandé ensuite à ce Monsieur si quand il fait l’amour avec sa femme, c’est tout le temps pour faire enfant ! « Non, c’est par plaisir! » a répondu le Monsieur. Ma fille a dit : « Moi aussi, j’apprends le breton par plaisir !» On peut apprendre une langue par plaisir, par goût, comme on pratique certains sports. Je pense que se faire plaisir est important et ça doit être intégré dans la vie politique.

Pour les jeunes comme votre fille, ils ont plein de choix devant eux, ils peuvent faire d’autres choses pour faire le plaisir ?

Y. E. – Ce n’est pas une obligation d’aimer le breton. Aujourd’hui, on a des écoles pour apprendre le breton. On a ce choix. C’est le plus important. Quand j’étais jeune, je n’avais pas  de choix. Il n’y avait pas d’école pour apprendre la langue bretonne.

Aujourd’hui où peut-on apprendre le breton?
Y. E. – On a trois structures pour apprendre le breton : une structure associative, DIWAN, où les enfants apprennent le breton par immersion ; des écoles privées généralement confessionnelles et des écoles publiques bilingues.

Si c’est un choix personnel, est-ce que le breton risque de devenir une langue de spécialiste ?

Y. E. – Effectivement, ça ne serait alors plus une langue populaire. Comme le latin par exemple. Mais on n’est pas encore là. C’est vrai qu’il y a ce risque-là. Donc on doit faire quelque chose.

Comme quoi ?
Y. E. – Le scrutin de vote par exemple. Il faut demander aux politiques d’avoir des décisions claires et sûres. Aux Pays de Galles, on écrit en gallois et en anglais sur les voitures de police. Partout on est bilingue. Les Gallois trouvent ça naturel. Mais les Bretons n’en sont pas encore là.

1 commentaire

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Une réponse à “« Le bilinguisme, quel qu’il soit, c’est une richesse »

  1. « Aujourd’hui, on a des écoles pour apprendre le breton. On a ce choix. C’est le plus important. Quand j’étais jeune, je n’avais pas de choix. Il n’y avait pas d’école pour apprendre la langue bretonne. »
    Yvon Etienne est bien optimiste, le choix d’apprendre le breton à l’école est loin d’être généralisé, notamment à Lorient. Et là où il y a du breton en maternelle et primaire, cela ne suit pas dans le secondaire (pas de continuité). Et il n’y a pas une école bilingue dans chaque commune de Bretagne, très loin de là. Qui plus est, apprendre la langue à l’école est une chose, mais il faut avoir des occasions de la parler, et de l’entendre, en dehors de l’école et là aussi, les opportunités sont rares (peu d’émissions à la télévision, idem à la radio…).
    A Lorient, si cela continue, la filière d’apprentissage du chinois sera plus développée dans l’enseignement secondaire que la filière pour le breton !
    Bravo pour votre idée de venir couvrir le festival.
    Kenavo deoc’h hag ar c’hentan tro
    Christian Le Meut (journaliste)
    blog bilingue : rezore

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